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Epidémie de FCO 3 chez le mouton ; Quelques lésions d’autopsie…

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La Société Belge Francophone de Buiatrie (SBFB) enquête sur le terrain et vous propose de découvrir un nouveau cas d'autopsie ovine !

Pour nous suivre : www.buiatrie.vet  





La SBFB enquête sur le terrain…


Quoi de neuf en salle d’autopsie ?





La SBFB,

en collaboration avec l’ARSIA

(Association Régionale de Santé et d’Identification Animales)

vous présente le cas suivant :


« Epidémie de FCO sérotype 3 chez le mouton ;

Quelques lésions d’autopsie… »



Bref rappel sur le virus, son vecteur et sa pathogénie.


Le virus et son vecteur


La fièvre catarrhale ovine (FCO), ou maladie de la langue bleue (bluetongue), est une maladie virale non contagieuse touchant majoritairement les moutons, mais également les bovins, les chèvres, les lamas, les alpagas et d'autres ruminants sauvages.

 

Chez le mouton, la sévérité des symptômes peut varier d’une race à l’autre. Les races européennes à laine fine telles que le mérinos et ses croisements semblent plus sensibles.

 

Le virus responsable de la FCO est un Orbivirus de la famille des Sedoreoviridae.

 

Il existe 36 types différents de ce virus, appelés sérotypes.

La maladie est une arbovirose : les sérotypes 1 à 24 du virus sont transmis d'un animal infecté à un autre par une piqûre d'un moucheron du genre Culicoïdes.

(Les sérotypes 25 à 36 ont une transmission non vectorielle)

 

Le pouvoir pathogène du virus varie considérablement d’une souche à l’autre.

(Fig n°1 – Culiculoides – Dr Christopher Sanders - Pirbright institute (UK))


« The Pirbright institute » (UK) propose une petite vidéo ludique sur le mode de transmission du virus et montre quelques caractéristiques entomologiques du culicoïde :



Pathogénie


À la suite de l’inoculation sous-cutanée du virus de la FCO (soit via une injection ou via une piqûre par un culicoïde infecté), le virus migre alors via les cellules dendritiques jusqu’au nœud lymphatique régional. C’est ici que commence la réplication primaire du virion pendant deux à trois jours. A ce stade, on observe une faible quantité de virus dans le sang.


Le virus est ensuite disséminé via les vaisseaux lymphatiques efférents à une grande variété de tissus. Les monocytes périphériques circulants permettent au virus d’atteindre ses sites de réplication secondaire que sont les organes lymphoïdes tels que la rate et les nœuds lymphatiques ainsi que d’autres organes comme les poumons (Barratt-Boyes et al. 1995). 


Il se réplique alors dans l'endothélium et les phagocytes mononucléaires (cellules dendritiques, macrophages, etc.) de ces sites secondaires. Cette deuxième phase de virémie est plus longue que la première, et avec une charge virale supérieure.


Les lésions endothéliales entraînent la libération de niveaux excessifs de diverses cytokines et de médiateurs vasoactifs (tempête de cytokines), qui sont responsables de la pathogenèse de la bluetongue, comme l'augmentation de la perméabilité vasculaire, les hémorragies graves, les œdèmes et les épanchements, la thrombose, l'infarctus et la coagulation intravasculaire disséminée.


 Ceci explique la plupart des signes cliniques ainsi que les lésions observées.



(Fig n°2 –Pathogenèse du virus de la fièvre catarrhale du mouton chez les ruminants – «  An updated review on bluetongue virus: epidemiology, pathobiology, and advances in diagnosis and control with special reference to India » - Mani Saminathan - Vet Q. 2020; 40(1): 258–321)


L'infection par le BTV chez les ruminants en gestation peut entraîner des malformations cérébrales chez la progéniture.


Chez les ovins, le temps d’incubation varie de 5 à 12 jours et la virémie dure de 14 à 54 jours (Koumabati et al. 1999). (Chez le bovin, cette virémie peut durer jusqu’à 100 jours).


Signes cliniques


Les premiers signes cliniques des animaux atteints sont :

-          fièvre

-          œdème de la face, du museau, des lèvres et des oreilles

-          une salivation excessive

-          hyperhémie de la muqueuse buccale

-          jetage nasal séreux puis muco-purulent avec formations de zones « crouteuses »

-          parfois, cyanose de la langue et de la muqueuse buccale (« langue bleue »)


Ensuite :

-          boiterie due à une inflammation des bourrelets coronaires, des pieds et les muscles

-          avortement

-          pneumonie

-          amaigrissement

-          les animaux qui se rétablissent peuvent présenter une alopécie, une stérilité et une croissance retardée


Diagnostic différentiel


Fièvre aphteuse, ecthyma contagieux, ulcérations idiopathiques, piétin, clavelée et variole caprine, hémonchose aiguë, coryza gangréneux, besnoitiose, traumatismes, photosensibilité, peste des petits ruminants, maladie hémorragique des cervidés, oestrose et, chez les foetus malformés, infection par le virus de Schmallenberg.



Autopsie


A.  Lésions de la face


Mouton n°1


Bélier, 44kg.

Chez ce jeune bélier d’embonpoint normal, on remarque dans la cavité buccale des zones d’hémorragies focales et d’ulcérations, principalement en bordure labiale supérieure et au niveau du bourrelet gingival.

(Fig n°3 – Palais et lèvre supérieurs, zones d’érosions sévères, présence d’œdème - ARSIA)


--> Ces lésions buccales peuvent être suffisamment douloureuses que pour générer une privation alimentaire et hydrique, aggravant les symptômes généraux.


On note également une congestion des muqueuses oculaires, un œdème des paupières et de la cornée :

(Fig n° 4 – œdème palpébral et cornéen - Arsia)


Mouton n°2


Chez cette femelle de 2 ans, d’embonpoint normal (55kg), on peut visualiser un œdème prononcé des babines et des tissus en région maxillaire :

(Fig n° 5 – œdème des babines et des joues - Arsia)


Cet « aspect œdématié » est également très observable en coupe longitudinale, aussi bien en région maxillaire qu’en région sinusale :

(Fig n° 6 – coupe longitudinale de mâchoire – aspect œdématié des tissus - Arsia)


La langue présente de part et d’autre des zones d’érosions superficielles :

(Fig n° 7 – Zones d’érosions superficielles linguales - Arsia)


Mouton n°3


Le troisième cas concerne un bélier de 5 ans en bon état corporel (75kg).


On constate un œdème des joues très marqué, bien visualisable en face interne « papillaire », avec des zones hémorragiques et d’érosions superficielles.

(Fig n° 8 – Face interne de la joue – œdème et zones d’ulcérations - Arsia)


On retrouve ici aussi une atteinte sévère au niveau du bourrelet gingival, avec une érosion marquée. L’œdème labial est bien visible :

(Fig n° 9 – zones d’ulcérations au niveau du bourrelet gingival, œdème des babines - Arsia)


L’œdème lingual est aussi très sévère. De multiples ulcères sont présents en face latérale et dorsale :

(Fig n° 10 – zones d’ulcératons linguale avec œdème - Arsia)


L’œdème est bien visible en face ventrale également :

(Fig n° 11 - œdème lingual, face ventrale - Arsia)


Il en va de même en face maxillaire interne :

(Fig n° 12 - œdème des tissus en face maxillaire interne - Arsia)


Mouton n°4


Cette brebis adulte d’embonpoint normal (50kg) présente des lésions plus « avancées » que les cas précédents.


Les zones d’ulcérations labiales sont plus profondes, avec présence de fibrine et de débris nécrotiques :

(Fig n° 13 – ulcérations labiales sévère en zone de commissure - Arsia)


En face interne :

(Fig n° 14 – stomatite - ulcération labiale sévère, débris nécrotiques - Arsia)


Sur la langue, on observe un ulcère profond (1,5cm x1 cm x 1cm) avec dépôts nécrotiques en surface :

(Fig n° 15 – ulcération linguale profonde et nécrotique - Arsia)



B. Autres lésions constatées - Complications - Facteurs prédisposants


Système respiratoire


L'œdème pulmonaire est souvent marqué, en particulier dans les cas mortels.

Une bronchopneumonie bactérienne secondaire aiguë peut être présente en plus de l'œdème pulmonaire caractéristique de la bluetongue.


C’était le cas pour le mouton n°1 (jeune bélier) qui présentait une pneumonie avec hépatisation cranio-ventrale sévère, et dépôts fibrineux associés. La bactériologie a permis d’isoler Mannheimia haemolytica comme agent compliquant.


(Fig n° 16 – pneumonie, hépatisation crânio-ventrale - Arsia)


Le cas n°4 présentait un œdème interstitiel des poumons, une hépatisation rouge (transformation du poumon en une texture similaire au foie, due à l’engorgement effusif) principalement au niveau du lobe apical droit. Présence d’adhérences fibreuses interlobaires.

(Fig n° 17 – hépatisation rouge - Arsia)


Escherichia coli a été isolé en culture aérobie au niveau des poumons, de la rate et du foie (septicémie). Cette souche était résistante (in vitro) aux tétracyclines et à l’amoxicilline.


Système digestif


Il peut y avoir une hyperémie, une érosion et des hémorragies multifocales sur les piliers ruminaux et les plis réticulaires (Worwa et al. 2009).


Dans nos deux premiers cas, une ruménite était présente, avec un aspect de la paroi du rumen « piqueté » rougeâtre :

(Fig n° 18 – ruménite, zones d’hémorragies multifocales - Arsia)


(Fig n° 19 – ruménite, aspect piqueté rougeâtre - Arsia)


Des hémorragies pétéchiales sont fréquemment observées sur la muqueuse abomasale.


Pour le cas n°4, les lésions étaient plus avancées à on retrouvait des zones d’ulcérations plus profondes et plus étendues que les cas précédents, avec un liseré rougeâtre en périphérie et présence de dépôts jaunâtres en surface :

(Fig n° 20 – ruménite, ulcérations étendues - Arsia)


Remarque : Le parasitisme représente un facteur prédisposant non négligeable sur l’impact de la maladie (baisse des défenses immunitaires). Bien que d’embonpoint correct, le cas n°1 (jeune bélier) présentait une émission importante d’œufs de Strongiloïdes papillosus (7600 OPG) au niveau de l’intestin grêle. La présence d’Haemonchus dans la caillette a pu être mise en évidence de manière directe à l’autopsie. 

Le cas n°4 (brebis adulte) présentait également une émission importante d’œufs de Strongiloïdes papillosus (3450 OPG) et de coccidies pathogènes (500 OPG).


Concomitamment à la FCO, des diarrhées, avec ou sans sang, peuvent en outre survenir.


Dans notre second cas (brebis de 2 ans), le foie présentait un aspect et une couleur hétérogènes :

(Fig n° 21 – Hépatite, aspect hétérogène du foie - Arsia)


Clostridium perfringens et Paeniclostridium sordellii ont été isolés par culture anaérobie dans cet organe, mais également dans le rein (septicémie).


Système locomoteur et cutané


Les animaux qui meurent rapidement présentent souvent une dégénérescence et une nécrose spectaculaires de la musculature squelettique, ce qui entraîne une perte de poids importante.


La boiterie et la rigidité causées par l’inflammation du bourrelet coronaire et la myopathie peuvent être graves. La bande coronaire présente de manière caractéristique des hémorragies et une hyperémie.

(Fig n° 22 – inflammation sévère du bourrelet coronaire – Dr Henrard Pascal)


Des hémorragies peuvent également apparaître dans le sous-cutané de la peau non poilue, comme la région inguinale, et les ruptures de laine sont fréquentes.


Système cardio- vasculaire


La nécrose cardiaque peut entraîner une mort subite à tout moment, même chez un animal qui semble se rétablir.


Anomalies congénitales


Les anomalies cérébrales reproductives et tératogènes (encéphalopathie cavitaire conduisant à l’hydrocéphalie ou à l'hydranencéphalie) qui résultent de l'infection par le BTV des ovins et des bovins gravides varient en fonction de la souche du virus, du stade gestationnel au moment de l'infection et d'autres facteurs.

(Fig n° 23 – Hydrocéphalie chez un veau – Arsia)


Les effets sur la reproduction, notamment les avortements, les mortinaissances et les naissances « d’agneaux factices » faibles mais vivants, ont été constatés.



Remerciements :


- à l’ARSIA asbl (Ciney)


- au Dr SMEETS Frédéric - Département Laboratoire & Diagnostic - Service d’Autopsie (Arsia)


- au Dr PETITJEAN Thierry - Département Laboratoire & Diagnostic - Service d’Autopsie (Arsia)


pour leur aide, leur accueil, et leur support technique.


Pour la Société Belge Francophone de Buiatrie,

Dr Henrard Pascal








Sources et liens utiles :


-          « An updated review on bluetongue virus: epidemiology, pathobiology, and advances in diagnosis and control with special reference to India » - Mani Saminathan , Karam Pal Singh , Jaynudin Hajibhai Khorajiya , Murali Dinesh , Sobharani Vineetha , Madhulina Maity , At Faslu Rahman, Jyoti Misri , Yashpal Singh Malik , Vivek Kumar Gupta , Raj Kumar Singh, Kuldeep Dhama - Vet Q 2020 Dec;40(1):258-321 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33003985/

 

-           « L’EPIZOOTIE DE FIEVRE CATARRHALE OVINE (FCO) EN FRANCE EN 2015 : DESCRIPTION ET GESTION SANITAIRE » -Dr PONS Sébastien -Thèse 2017 -UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I - https://www2.vetagro-sup.fr/bib/fondoc/th_sout/dl.php?file=2017lyon090.pdf

 

-          « Bluetongue » - N J Maclachlan, C E Mayo, P W Daniels, G Savini, S Zientara, E P J Gibbs - Rev Sci Tech 2015 Aug;34(2):329-40 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26601438/

 

 

-          « Épidémiologie comparée des orbivirus en Guadeloupe et à la Réunion » - Guillaume Gerbier, Corinne Sailleau, Emmanuel Bréard, Cyril Viarouge, Alexandra Desprat, Laurent Lasne, Loic Gouyet, Amélie Desvars, Thierry Baldet, Fabienne Biteau, Jean-Claude Delécolle, Claire Garros, François Roger, Stéphan Zientara - Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation no 43/Spécial DOM-TOM – juin 2011 - https://be.anses.fr/sites/default/files/BEP-mg-BE43-art15.pdf

 

-          « Experiences from the 2014 outbreak of bluetongue in Greece » -N.G.C. Vasileioua, G.C. Fthenakisa,, G.S. Amiridisa, L.V. Athanasioua, P. Birtsas, D.C. Chatzopoulosa, T.M. Chouzourisa, A. Giannakopoulosa, K.S. Ioannidia, S.N. Kalonakia, A.I. Katsafadoua, C.S. Kyriakisc, V.S. Mavrogiannia, E. Papadopoulosd, V. Spyroub, G. Valiakosa, A.P. Venianakia, C. Billinis  - Small Ruminant Research 142 (2016) 61–68 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32288210/

 

 

-          Lien vers Sciensano : « Situation épidémiologique Fièvre catarrhale ovine (Bluetongue) »


-          « Maladie de la langue bleue (fièvre catarrhale ovine FCO / Bluetongue BT) » - Confédration suisse – Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/tiere/tierseuchen/uebersicht-seuchen/alle-tierseuchen/bt.html

 


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