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Gangrènes post-césariennes - Cas d'autopsie mensuel - Mars 2023

La Société Belge Francophone de Buiatrie (SBFB) enquête sur le terrain et vous propose de découvrir chaque mois un cas d'autopsie bovine !


Découvrez ici la publication de février !

En l'espace de quatre mois, pas moins de deux cas de complications gangréneuses post-césarienne ont été constatés en salle d'autopsie de la FMV de l'ULG.

Bonne lecture !






La SBFB enquête sur le terrain…





Quoi de neuf en salle d’autopsie ?


La SBFB,

en collaboration avec le département de pathologie et morphologie de la faculté de médecine vétérinaire de Liège (DMP) ainsi que le département clinique des animaux de production (DCP),

vous présente le cas du mois :


« De mystérieuses gangrènes post-césariennes »


Deux cas en l’espace de quatre mois ont été admis en salle d’autopsie de la FMV. Ce type de complication post-césarienne est pourtant assez rare.


Pour nous suivre : www.buiatrie.vet


A) Anamnèse


Cas n°1


1) En ferme


Vache Blanc—Bleu-Belge de 3 ans pesant 618kg, de robe pie-bleu.


A vêlé le 10/11 (2ième vêlage), traite pendant 8 jours (colostrum + lait pour veau).


Le 18/11, début des symptômes : chute de production de lait + hyperthermie + anorexie. Signes de gonflement au niveau du pis puis au niveau du postérieur G et ensuite à l’antérieur G.


Traitement reçu :

- 18/11 : Vetrimoxin® et Ketoprofen®

- 20 et 22/11 : Ketoprofen®


Depuis dégradation de l’état.


Historique dans la ferme :

• Il y a 1 mois, une autre vache avec des symptômes similaires est morte d’une péritonite. 20 césariennes ont été réalisées entre les 2 évènements.

•Plusieurs animaux ont fait de l’hyperthermie après vêlage. La situation s’est régularisée avec administration de Vetrimoxin® + Ketoprofen®.

• Alimentation : préfané, maïs, pois, concentré (50% colza gras, 25% germes de maïs, 25% de lin)

•Les césariennes se passent toutes au même endroit, les vaches sont rentrées 3 semaines à 1 mois avant vêlage. Aucun problème rencontré chez les veaux.

En l’absence d’amélioration de l’état général de l’animal, la décision de le transférer au pôle bovin de la faculté est prise le 24/11.


2) Clinique des ruminants de la FMV (pôle RUPO)


--> Examen clinique :


Attitude (Anatomique) : Debout Psychisme : Abattu

Comportement : Normal Etat du poil : sale Score Corporel : 2,5

Respiratoire : fréquence 40 /min de type abdominal

Température rectale : 38.6 Extrémités : tièdes

Cardio-vasculaire : fréquence : 132 Amplitude : Normale TRC (sec) : 3

Capillaires de la sclérotique : >3 Pli de peau (sec) : 5 Énophtalmie (mm) : >3

Muqueuses buccales et oculaires : Roses Génitales : Pales

Ganglions sous-maxillaires et pré-scapulaires : Normaux

Ganglions pré-cruraux : Augmentés


--> Symptômes :


Animal abattu qui présente de l’anorexie, des gonflements importants au niveau du pis (couleur bleue), des pattes et sous la panse. Présence d’un emphysème sous cutané.


--> Examen spécial :


Inspection à l’arrêt et en mouvement : Nécrose au niveau du pis.

La plaie de césarienne présente un suintement.

Gonflement sous ventral, au niveau du poitrail, et au niveau des membres.

Palpation : emphysème sous cutané important.

Etat de déshydratation sévère (enophtalmie >5 mm, TRC de 3 sec., pli de peau 5 secondes)


--> Traitement :


Mise sous Peniyet®, Emdofluxin® et fluidothérapie (5mL/kg/h de NaCl 0.9%)


--> Examens complémentaires :


- 24.11.2022 - Protéines totales sérum ou plasma : PTP 64 PTS 57 F7

- 24.11.2022 - IgG test au glutal : 4’30

- 24.11.2022 - Echographie : ABDO + MASSE

- 24.11.2022 - Ponction Masse


--> Diagnostic :


Gangrène sévère


--> Pronostic :

Sombre au vu de l’étendue des lésions et de l’état général de l’animal.


28.11 - Demande Autopsie Anapath FMV, en l’absence d’évolution favorable.


Cas n°2


Génisse Blanc-Bleu-Belge de 3 ans pesant 450kg.

Le cadavre est directement arrivé en salle d’autopsie en ce début février.


B ) Autopsie


Cas n°1


Cette vache autopsiée en novembre 2022 était dans un état d'embonpoint correct.

Elle présentait une plaie chirurgicale cutanée suturée verticale de 30 cm dans le flanc gauche avec une petite zone "suintante" à 5 cm de la partie distale de la plaie.

(Fig 1 - plaie chirurgicale de césarienne avec foyer de nécrose - Photopsie - DMP)


Les régions sternale et abdominale ventrale ainsi que les 2 membres gauches étaient gonflés.

Le dépeçage a révélé des lésions de gangrène humide s'étendant depuis mi-encolure gauche jusqu'à la région mammaire et entreprenant la région sternale, la région abdominale ventrale, la partie inférieure des flancs gauche et droit, le membre antérieur gauche jusqu'au carpe, le membre postérieur gauche jusqu'au jarret et le membre postérieur droit jusqu'à mi-fémur.


(Fig. 2 - Lésions de gangrène humide entreprenant le flanc gauche - Photopsie - DMP)


(Fig. 3 - Lésions de gangrène humide sur paroi abdominale et thoracique - Photopsie - DMP)


Aucune autre lésion macroscopique significative n'a été observée au niveau des organes internes.

La suture péritonéale était intacte et étanche, de même que la suture utérine avec une involution normale.


Cas n°2


Cette vache autopsiée en février 2023 était dans un bon état d’embonpoint et une suture de chirurgie de 30 cm verticale non déhiscente était présente sur le flanc gauche.

L’examen nécropsique a permis de mettre en évidence une gangrène humide dont l’épicentre était la suture du plan musculaire de la paroi abdominale gauche, elle s’étendait jusqu’à la dernière côte crânialement, aux muscles de la croupe caudalement, la base du pis distalement et la ligne du dos dorsalement.

À l’ouverture de l’abdomen, une péritonite aigue fibrineuse diffuse a été observée.

L’examen de l’appareil reproducteur a révélé une métrite purulente limitée à la corne gestante. La suture était intacte et étanche.


C ) Discussion


1) Rappel des principes de base d’une cicatrisation post-césarienne


Une plaie chirurgicale de césarienne bovine est suivie d’une cicatrisation dite « de première intention ».


Cette cicatrisation de première intention ne peut se produire que dans certaines conditions :


- plaie aseptique (absence de germes)

- absence de corps étranger (sauf les fils de suture),

- absence de tissu dévitalisé et perte de substance limitée, - absence de caillots sanguins (l’hémostase doit donc être parfaitement réalisée).

- immobilité des lèvres de la plaie qui doivent s’affronter bord à bord et plan par plan (différents types de sutures sont possibles) en veillant à ce que la suture n'exerce pas de tension excessive sur les tissus (risque d'ischémie puis de nécrose tissulaire locale et donc de déhiscence des points).


Macroscopiquement, suite à la suture, on voit apparaître un exsudat sérohémorragique qui va combler la brèche vasculaire. Dans cet exsudat, la coagulation de la fibrine va permettre une sorte de collage physiologique des lèvres de la plaie.


Les phénomènes inflammatoires sont discrets. La phase de détersion est très courte. L'adhésion des lèvres de la plaie augmente progressivement au fur et à mesure de la cicatrisation.


L'épithélialisation se fait rapidement. L'espace à combler est virtuel et les cellules conjonctives forment une cicatrice fibreuse réduite et peu visible d'abord rosée puis de couleur pâle. La zone dépilée est réduite et rapidement cachée par le poil.


Au bout d’une quinzaine de jours, la plaie est cicatrisée et les points peuvent être retirés.

La résistance de la plaie augmente progressivement avec le temps. Elle est voisine de 90 % entre le 10ème et le 12ème jour (pourcentage de résistance de la cicatrice par rapport au tissu initial).


Il faut s'attacher à avoir systématiquement ce type de cicatrice lors de plaies chirurgicales ou de plaies simples traitées avant la 12ème heure. Lorsqu'une ou plusieurs des conditions nécessaires à la cicatrisation par première intention ne sont pas remplies, la plaie cicatrise par deuxième intention.


2) La césarienne, une chirurgie « propre et contaminée »


Deux publications récentes du Dr Salem DJEBALA sur l’identification de souches bactériennes présentes au site opératoire, sur un échantillon de 76 césariennes réalisées en race BBB réparties sur 25 exploitations, via culture bactérienne (partie 1) puis par séquençage ADN (partie 2), nous donnent un panel des germes que l’on peut retrouver :


--> sur culture :


« Bacterial Contamination of the Surgical Site at the Time of Elective Caesarean Section in Belgian Blue Cows—Part 1: Identified by Bacterial Culture »

Vet. Sci. 2022, 9(12), 687; https://doi.org/10.3390/vetsci9120687


25% des échantillons se sont révélés positifs en culture (19/76) selon la répartition du tableau ci-dessous.

La majorité des bactéries identifiées proviennent de l’environnement (exogène). On retrouve principalement des souches aérobies gram négatives.



--> sur séquençage ADN (sur 6 échantillons positifs à la culture et 7 négatifs) :


« Bacterial Contamination of the Surgical Site at the Time of Elective Caesarean Section in Belgian Blue Cows—Part 2: Identified by 16Sr DNA Amplicon Sequencing »

Vet. Sci. 2023, 10(2), 94; https://doi.org/10.3390/vetsci10020094




« Aucune différence n'a été observée entre la composition du microbiote des échantillons positifs ou négatifs à la culture bactérienne. En fait, une grande quantité d'ADN bactérien a été identifiée dans tous les sites de césariennes électives, et l'espèce la plus identifiée était Mycoplasma wenyonii (36%).

De plus, les bactéries cultivées n'étaient pas l'espèce dominante, puisque la plupart d'entre elles n'étaient pas identifiées par « amplicon sequencing » dans le même échantillon dans lequel ils ont été cultivés. On suppose que l’ADN bactérien le plus identifié est dû à la contamination hématogène du site opératoire. »


L’intérêt de ces études est de comprendre le rôle protecteur ou nocif de ces bactéries et leur implication ou non dans les complications post-césariennes, et également de comprendre l’impact de l’antibiothérapie sur le microbiote.


3) Contamination par une bactérie anaérobie de type Clostridium


Dans le cas qui nous occupe, c’est une bactérie de la famille des Clostridium qui est responsable des cas de gangrènes.


Le genre Clostridium appartient à la famille des Clostridiaceae, ordre des Clostridiales, classe des Clostridia, phylum des Firmicutes et comprend 208 espèces (www.bacterio.net/clostridium.html, 2015).


Il s’agit de bactéries à Gram positif plus ou moins labiles, anaérobies plus ou moins strictes, de forme bacillaire mais à morphologie variable (coccoïdes à filamenteuses), la forme caractéristique restant le bâtonnet épais et régulier. Elles sont catalase et peroxydase négatives. Leur aptitude à former des endospores thermorésistantes garantit leur persistance dans le temps.


Les principales maladies causées par Clostridium sp. qui affectent les bovins sont :


- Les clostridioses neurotoxiques : Tétanos (Clostridium tetani) et Botulisme (C. botulinum)


- Les clostridioses entérotoxiques : Entérotoxémie (C. perfringens,C. septicum, C. sordelii)


- Les clostridioses histotoxiques et cytotoxiques : Œdème Malin , également appelé Gangrène Gazeuse ou Myosite Nécrotique (C. septicum, C. chauvoei, C. novyi type A, C. sordellii et C. perfringens type A)


- Hémoglobinurie bacillaire (C. haemolyticum)

(Quevedo, 2015)



Les clostridioses histotoxiques


Cette catégorie de clostridies produit des toxines et/ou enzymes qui endommagent directement les tissus et cellules avec lesquels elles entrent en contact.

La pathologie la plus connue est la gangrène gazeuse.


Elle peut être causée par différentes clostridies, seules ou en association, mais chez les animaux c’est C. septicum qui prédomine. Ce polymorphisme explique la diversité clinique des cas et complique tant le diagnostic que le traitement.


L’infection survient par inoculation (injections, projectiles) ou contamination d’une plaie par des spores ou des bactéries. Une plaie qui se ferme très vite (milieu anaérobie) est un facteur de risque.


Si le terrain se révèle propice, les bactéries se multiplient et les signes cliniques apparaissent rapidement (<48h) : douleur, foyer inflammatoire œdémateux, hémorragique, emphysémateux (crépitation) avec gonflement associé à des écoulements nauséabonds principalement au point d’inoculation.


On distingue souvent trois zones : une centrale putréfiée, une moyenne mortifiée et une périphérique envahie. L’extension peut être très rapide (10cm/heure).


En l’absence de traitement précoce (débridement chirurgical et antibiothérapie – systémique via perfusions en soutien des grandes fonctions), la mort survient rapidement suite à un choc toxémique.


Le pronostic est sombre dans tous les cas.


Remerciements :


- au Dr CASSART Dominique (DMP) – Service d’Autopsie (FMV, ULiège)

- au Dr STIPULANTI Margot et au Dr EPPE Justine – Pôle ruminants (FMV, ULiège)

pour leur aide et leur support technique.


Pour la Société Belge Francophone de Buiatrie,

Dr Henrard Pascal






Sources :


- « Contribution à l’étude des plaies chez les bovins et conduite à tenir en pratique rurale » – Dr POSTIC Claire – Thèse de Doctorat 2011 - VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON - http://www2.vetagro-sup.fr/bib/fondoc/th_sout/dl.php?file=2011lyon061.pdf


- « Implication de la toxine beta2 de Clostridium perfringens dans le syndrome de l’entérotoxémie bovine. » - Dr LEBRUN Maud – Thèse de Doctorat 2017-2018 - UNIVERSITE DE LIEGE FACULTE DE MEDECINE VETERINAIRE DEPARTEMENT DES MALADIES INFECTIEUSES ET PARASITAIRES SERVICE DE BACTERIOLOGIE - https://hdl.handle.net/2268/224817


- “Bacterial Contamination of the Surgical Site at the Time of Elective Caesarean Section in Belgian Blue Cows—Part 1: Identified by Bacterial Culture”- Salem Djebala, Elise Coria, Florian Munaut, Linde Gille, Justine Eppe, Nassim Moula, Bernard Taminiau, Georges Daube, Philippe Bossaert

Vet. Sci. 2022, 9(12), 687; https://doi.org/10.3390/vetsci9120687


- “”Bacterial Contamination of the Surgical Site at the Time of Elective Caesarean Section in Belgian Blue Cows—Part 2: Identified by 16Sr DNA Amplicon Sequencing” - Salem Djebala, Elise Coria, Florian Munaut, Linde Gille, Justine Eppe, Nassim Moula, Bernard Taminiau, Georges Daube, Philippe Bossaert

Vet. Sci. 2023, 10(2), 94; https://doi.org/10.3390/vetsci10020094

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