Ce que nous apprend la thèse de doctorat du Dr. Justine Eppe défendue publiquement le 05/07/2024.
Les enjeux : La fonction thyroïdienne est largement impliquée dans la plupart des processus physiologiques des êtres vivants. Chez les ruminants, elle joue un rôle important quant à sa productivité (lait, viande et laine). Malgré une revue de littérature détaillée et de nombreuses études portant sur la physiologie thyroïdienne chez les ruminants, on déplore le manque d’outils d’investigation validés pour évaluer les interactions de cette physiologie avec le métabolisme et les productions animales.
Quelle(s) mesure(s) ?
Des essais de dosage de la thyréo-libérine bovine (b-TSH) ont été réalisés. Le premier objectif de ce travail a été de tester un kit ELISA issu du commerce (SincereTM : E1381273 ; Gentaur) et de tenter de le valider de manière technique et physiologique. Les premiers kits utilisés ont permis de valider physiologiquement ce test ELISA, en réalisant un test de stimulation à l’hormone thyréotrope bovine (TRH) et un test d’inhibition sur 4 veaux expérimentaux. Cependant, bien que les variabilités intra-essais sur ces premiers kits étaient acceptables, il fut par la suite impossible de reproduire ces résultats, ainsi que d’établir des variabilités inter-essais.
La suite de ce travail s'est donc portée sur validation d’une méthode d’échographie thyroïdienne chez le bovin. Une première étude a validé techniquement l’échographie thyroïdienne chez le veau et la vache comme étant une méthode répétable et présentant de faibles variabilités intra- (chez les veaux : 8.22%, 5.53%, 5.38% ; chez les vaches : 7.18%, 8.65%, 6.36%) et inter-observateurs (chez les veaux : 10.4% ; chez les vaches : 11.8%). Une seconde étude a comparé les mesures réalisées lors de l’échographie de veaux et de vaches à celles réalisées sur la glande thyroïde en post-mortem.
Que peut-on diagnostiquer avec l'échographie ?
L’échographie thyroïdienne chez le bovin ne permet pas de prédire précisément le volume en termes de valeur absolue, mais présente une concordance, surtout chez le veau, avec un pourcentage d’erreur de mesure de 18%. Plus loin, cette étude a démontré qu’il était possible d’observer des kystes thyroïdiens à l’échographie. Lors de l’examen histologique des glandes prélevées, plusieurs lésions ont pu être mises en évidence et décrites, comme les kystes folliculaires, l’hypoplasie folliculaire et l’hyperplasie folliculaire. Ces deux études contribuent à la validation de l’échographie thyroïdienne comme étant un moyen répétable, rapide et facile avec ses limites en termes de prédiction de volume de la glande thyroïde.
Kystes thyroïdiens chez la vache adulte : incidence et facteurs de risque
Ce présent travail se conclut avec une dernière étude qui peut être considérée comme un prélude à la compréhension de la physiopathologie des kystes thyroïdiens chez les bovins. Dans cette étude, 156 vaches issues de cinq fermes de la région Liégeoise ont été examinées. Il a été observé que 28% de ces vaches présentaient un ou plusieurs kystes thyroïdiens à l’échographie thyroïdienne. La population a été classée en deux catégories différentes : les vaches saines (examen clinique et prise de sang dans les normes) et les vaches présentant des kystes thyroïdiens. Les vaches présentant des kystes avaient une concentration en iode inorganique plasmatique et un score corporel significativement (p<0.001) plus bas que les vaches saines. Le rapport glycémie avec le bêta-hydroxybutyrate sanguin (GLY/BHB) était négativement corrélé au pourcentage de kystes thyroïdiens dans les fermes. De la même façon, en regardant le rapport protéines digestibles intestinales (PDI) sur UFL (unité fourragère lait, UFL), plus les fermes s’écartaient de la norme PDI/UFL (comprise entre 90 et 100), plus elles présentaient de kystes. Cette étude nous a permis de suspecter une relation entre les concentrations sériques en iode, le métabolisme énergétique et le développement de kystes thyroïdiens.
Conclusion
Le travail fourni dans cette thèse doit être vu comme une contribution à la compréhension de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien des bovins. Bien que les résultats de l’étude de la b-TSH au moyen d’un kit ELISA ne permettent pas d’obtenir des valeurs de b-TSH constantes, cette étude a néanmoins permis de décrire un épisode d’hyperthyroïdie chez des veaux intoxiqués à l’iode et de dessiner des courbes de stimulation à la TRH et de freination (inhibition de la sécrétion de b-TSH). Le deuxième test diagnostique abordé dans cette thèse, l’échographie thyroïdienne, est un outil très prometteur. Non seulement il est rapide et facile à réaliser, mais il est également répétable et permet la détection de lésions kystiques sur la glande thyroïde. Bien que nous n’ayons pas pu tracer de pathogénie précise pour les kystes thyroïdiens, leur potentielle association au métabolisme énergétique et à la composition de la ration alimentaire en font des lésions potentiellement intéressantes à observer dans le cas d’un suivi alimentaire. Plus d’études devront être menées afin de mieux comprendre l’apparition de ces kystes et leur interprétation dans un bilan de troupeau. L’ajout d’outils supplémentaires à l’évaluation de la fonction thyroïdienne permettra aussi de mieux comprendre d’autres maladies chez les bovins, comme le syndrome d’ovaires (poly)kystiques ou le syndrome de détresse respiratoire aigu.
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