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Double anomalie congénitale sur une génisse BBB - Cas d'autopsie mensuel - Juin 2023

La Société Belge Francophone de Buiatrie (SBFB) enquête sur le terrain et vous propose de découvrir chaque mois un cas d'autopsie bovine !

Pour nous suivre : www.buiatrie.vet


Découvrez ici la publication de juin ! Bonne lecture !



La SBFB enquête sur le terrain…



Quoi de neuf en salle d’autopsie ?


La SBFB,

en collaboration avec le département de pathologie et morphologie de la faculté de médecine vétérinaire de Liège (DMP) ainsi que le département clinique des animaux de production (DCP),

vous présente le cas du mois :


« Double anomalie congénitale sur une génisse BBB »



Anamnèse et Clinique


Veau femelle de race Blanc-Bleu-Belge âgée de 17 jours.


Mise au pis depuis sa naissance, elle ne boit plus depuis la veille.

Elle est nourrie uniquement au lait.

Elle se lève encore et émet des matières fécales en faibles quantités, elle urine bien.

Le vêlage s’est bien passé.

Dans l’exploitation, trois litres de colostrum sont distribués par sonde (+ deux litres supplémentaires s’il n’est pas de qualité suffisante).

Les taux de transfert immunitaire sont testés par le vétérinaire traitant et, en cas d’échec, une transfusion de la mère vers le veau est effectuée.


--> Examen clinique :


L’animal est abattu. Il peut se lever, mais son état général ne lui permet pas de rester debout longtemps.

Il est très maigre (score corporel : 2) et son poil est « sale ».


• Respiratoire : fréquence de 20, de type costo-abdominal.


• Température rectale : 36.6, et les extrémités des membres sont glacées.


• Cardio-vasculaire : fréquence de 60, d’amplitude normale.

Choc précordial : normal, TRC : < 2 sec, Capillaires de la sclérotique : < 3, pli de peau (sec) : < 2 sec, énophtalmie (mm) : 1.


• Les muqueuses oculaires et génitales sont pâles.


• Les ganglions sous-maxillaires, pré-scapulaires et pré-cruraux sont normaux.


Examen spécial (systèmes propédeutiques) :


- On remarque au niveau des matières fécales du méléna (sang digéré) et de l’hématoschézie (sang non digéré).


- L’ombilic est gonflé et induré mais non douloureux.

Ecoulement liquidien à partir de celui-ci (couleur type urine).


- Les articulations sont normales.


- La palpation abdominale est douloureuse, l’animal voûte le dos.

A l’auscultation abdominale, on note la présence de sons digestifs et liquidiens dans les deux flancs. La succussion confirme la présence de liquides en grandes quantités.


--> Diagnostic différentiel :


- entérite aigue hémorragique

- obstruction intestinale partielle (volvulus, invagination…)

- ulcères gastriques

- péritonite

- septicémie


- omphalo-artérite, omphalo-phlébite

- persistance du canal de l’ouraque et omphalo-ouraquite associée


--> Examens complémentaires :


Hématologie :


Protéines totales plasmatiques (PTP) : 62

Protéines totales sériques (PTS) : 56

Fibrinogène : 6




Biochimie :




L’hématocrite, l’albumine, l’urée et la créatinine sont élevées. Ceci est probablement à mettre en relation avec l’état de déshydratation du veau.


Les protéines totales sériques sont au seuil minimal (56g/L). Ceci est à mettre en relation avec l’état de cachexie extrême du veau (malnutrition protéo-calorique).



On remarque une hypocalcémie, une hyponatrémie (norme 137-145 mmol/L, Constable 2014), une légère hypochlorémie (norme 92-98 mmol/L) et une hyperbilirubinémie compatibles avec un problème de malabsorption intestinale.


Echographie abdominale :


Visualisation de la persistance du canal de l’ouraque. Rien d’autre à signaler.


--> Traitement :


Vu l’urgence du cas, l’objectif premier est de stabiliser l’animal et d’élever sa température corporelle.

Perfusion : NaCl 0.9%, Glucose 1%, Bicarbonate de Sodium.

Médicamenteux : pénicilline, meloxicam, vitamines B et AD3E.


--> Evolution du cas :


L’animal décède le lendemain de son admission.

Une autopsie est alors pratiquée dans le service d’anatomo-pathologie de la faculté (DMP).


Autopsie


Ce veau autopsié en mars 2023 était maigre, à la limite de la cachexie.

Il présentait une persistance du canal de l'ouraque.


(Fig n°1 – Persistance du canal de l’ouraque – Photopsie – DMP)


L'examen nécropsique a révélé une anomalie congénitale intestinale avec hypoplasie d'un segment iléal proximal sur 10 cm de long ; à ce niveau le diamètre de la lumière était réduit à 2 mm.

En aval de ce segment, on observait une invagination avec infarcissement sur une longueur de ± 15 cm.

Le contenu du colon était hémorragique avec méléna dans le rectum.


(Fig n° 2 – Hypoplasie d’un segment iléal, invagination et infarcissement iléal – DMP – Photopsie)


Il faut encore signaler un abcès encapsulé de 3 cm de diamètre à gauche du pharynx avec compression de celui-ci.


Discussion


A) Persistance du canal de l’ouraque


Rappel anatomique et fonction :


A la naissance du veau, le cordon ombilical se compose :

- de deux artères ombilicales

- d’une veine ombilicale

- du canal de l’ouraque

Remarque : La veine ombilicale est double au stade embryonnaire, comme représenté sur le schéma ci-dessous. Par la suite, la veine droite régresse rapidement et la veine gauche devient veine ombilicale unique médiane.


(Fig n°3 –Schéma des structures ombilicales chez le fœtus – UMC – Constantine)


Le canal de l’ouraque démarre au niveau de l’apex de la vessie. Il traverse le cordon ombilical pour rejoindre le sac allantoïdien.

Durant la gestation, il permet l’élimination de l’urée et des déchets azotés.

Plus la gestation avance, plus ce flux d’urine diminue.

En fin de gestation, l’urine fœtale arrive dans la poche amniotique via l’urètre du fœtus. Ainsi, à la naissance, le canal de l’ouraque est normalement fermé et l’urine est intégralement évacuée par l’urètre.


(Fig n° 4 - Structures ombilicales chez un fœtus de 6 mois - Image E.N.V.T)


Symptômes :


La perte d’urine au niveau ombilical est pathognomonique d’une persistance du canal de l’ouraque.

Chez les veaux souffrant de cette anomalie, le cordon ombilical reste souvent humide, tout comme les poils de la région bordants celui-ci.


(Fig n°5 - Canal de l'ouraque pathologique chez un veau de cinq semaines - Oniris, Médecine des Animaux d’Elevage)


Le risque majeur est le développement d’une omphalo-ouraquite par la suite, celle-ci étant l’affection ombilicale la plus fréquente chez les veaux, avec comme complications possible une cystite secondaire, voire une pyélonéphrite.


(Fig n°6 – canal de l’ouraque infecté, présence de pus et d’urine – Service Sanitaire Veaux Suisse)


Les symptômes associés sont dysurie, pollakiurie, formations de calculs vésicaux.

Si la peau se referme, l’urine peut s’accumuler en région ombilicale et former ce que l’on appelle un « kyste de l’ouraque ».


Diagnostic :


--> Sur base des symptômes décrits plus haut.


--> Echographique :


En se déplaçant caudalement de l’ombilic vers la vessie, on peut visualiser le canal de l’ouraque.

Cet examen échographique permet aussi d’évaluer la vessie. En effet, une cystite associée à la vidange partielle de la vessie lors de persistance du canal de l’ouraque peut être diagnostiquée. Le contenu de la vessie peut alors ne pas être complètement anéchogène à cause des particules en suspension.

On diagnostique une omphalo-ouraquite quand on visualise un canal de l’ouraque de plus d’un centimètre de diamètre entre la vessie et l’ombilic chez un veau de plus de deux jours.

Il est éventuellement possible de visualiser un abcès sur le trajet de ce vestige. Une omphalo-ouraquite purulente est mise en évidence lorsqu’il y a une lumière hyperéchogène.


(Fig n°7 - Aspect échographique d'un canal de l'ouraque pathologique chez un veau de cinq semaines - Oniris, Médecine des Animaux d’Elevage)


Traitement :


Il est uniquement chirurgical.

Une dissection de la pièce anatomique doit être effectuée, puis une ligature des vestiges est réalisée en zone saine. Les vestiges infectés sont extraits. Dans le cas d’une persistance du canal de l’ouraque avec atteinte vésicale, une résection de l’apex vésical doit être effectuée.

Le canal infecté est retiré et la vessie est refermée via des sutures enfouissantes, assurant ainsi son étanchéité.


(Fig n°8 – Résection du canal de l’ouraque – Service Sanitaire Veaux Suisses)



B) Agénésie intestinale


Contrairement à l’agénésie anale ou rectale, plus fréquentes, l’agénésie intestinale est une malformation congénitale assez rare, associée à un blocage partiel ou complet du transit.

La plus fréquente est une atteinte du colon (atrésia coli) ; les atteintes jéjunales (atrésia jéjuni) et iléales (atrésia iléi) étants beaucoup plus rares.


Etiologie et pathogénie :


Les causes de ces malformations sont mal connues. Elles semblent être multifactorielles selon diverses études.


Deux facteurs précis ont toutefois été mis en évidence par CONSTABLE et al. (1997), et GOUBE (1997) pour expliquer ces anomalies :


--> Les traumatismes vasculaires liés à la manipulation de l’ampoule fœtale avant 40 jours, lors du diagnostic précoce de gestation.

Les structures vasculaires embryonnaires abdominales et ombilicales sont sensibles à une pression excessive, cette dernière pouvant entraîner un défaut d’apport vasculaire.

Ceci a pu être reproduit expérimentalement par ligature des vaisseaux nourriciers de l’intestin chez le fœtus avec comme conséquence de l’hypogénésie, de l’atrophie ou la disparition complète de la zone concernée.


--> Il existerait également une origine génétique, a priori autosomale récessive, surtout en race Prim’Holstein.

Cette prédisposition raciale serait liée à la sélection de ces animaux pour l’amélioration du potentiel laitier, augmentant aussi la longueur du côlon (amélioration de la capacité de digestion). Chez la prim’holstein, le côlon se développe plus rapidement au cours de l’embryogenèse que chez les autres races.


Symptômes :


- anorexie progressive, abattement

- ténesme

- abdomen aigu

- dilatation abdominale avec bruits liquidiens à la succussion ou à l’auscultation


Les symptômes de l’agénésie intestinale sont comparables à ceux de l’atrésie anale ou rectale, avec une évolution plus lente. Les symptômes peuvent se déclarer entre 1 et 6 jours après la naissance en fonction de l’atteinte.

Il est remarquable de noter que notre patient ait survécu 17 jours au vu des anomalies constatées.


Traitement :


Uniquement chirurgical.


Seule une laparotomie permet d’identifier précisément la ou les zones atteintes.

Les chances de réussites lors de l’intervention dépendent de la rapidité d’intervention et de détection.

Il est nécessaire que l’animal soit dans un état général satisfaisant.

Avant l’intervention, une fluidothérapie peut être envisagée en fonction de l’état du veau. Il est intéressant de doser les IgG car si l’atrésie est haute, il est possible que le colostrum n’ait pas pu être assimilé ; en effet dans ce cas, une transfusion sanguine peut être envisagée.

La présence éventuelle d’autres anomalies ou d’atrésies « multiples » détectées lors de la laparotomie assombrira le pronostic et orientera la poursuite de l’intervention chirurgicale ou non.

Les options chirurgicales sont :


en cas d’atrésia coli :

- une anastomose latéro-latérale du colon ascendant avec le colon descendant (avantage : maintien de la continence fécale).

- typhlostomie (abouchement de l’apex du caecum à la paroi abdominale dans le creux du flanc). Retrouvez les détails de cette chirurgie dans l’article suivant (voir source 1) :

https://www.researchgate.net/publication/346101017_Traitement_par_typhlostomie_d'un_cas_d'atresie_intestinale_chez_un_veau


• en cas d’atrésia jéjuni ou iléi :

- anastomose du jéjunum avec la base du caecum

- entéro-anastomose



Remerciements :


- au Dr CASSART Dominique (DMP) – Service d’Autopsie (FMV, ULiège)

- au Dr STIPULANTI Margot – Pôle ruminants (FMV, ULiège)

- au Dr LIMBOURG Olivier (Vétérinaire référant - Anthisnes)

pour leur aide et leur support technique.



Pour la Société Belge Francophone de Buiatrie,

Dr Henrard Pascal








Sources :


- « Traitement par typhlostomie d’un cas d’atrésie intestinale chez un veau » - Faten Bouaicha, Bouceff Dahbeya, Nadia Jaziri, Najwa Akermi, Oumayma Rhimi, Sihem Elhamdi, Rym Latrach - Le Point Vétérinaire expert rural n° 399 du 01/10/2019 - https://www.researchgate.net/publication/346101017_Traitement_par_typhlostomie_d'un_cas_d'atresie_intestinale_chez_un_veau


- « Evaluation de la valeur prédictive de l’outil échographique et correspondance entre images échographiques, palpation abdominale et chirurgicales » - Dr NOUVEL Mariam - Thèse 2015 – Université de Toulouse - https://oatao.univ-toulouse.fr/15141/1/Nouvel_15141.pdfobservations


- « Les Omphalites chez le veau » - Sartelet, Arnaud - 2018 - Journées Nationales des Groupements Techniques Vétérinaires : Actualités thérapeutiques : consensus et nouveaux enjeux - https://hdl.handle.net/2268/223507


- « Echographie de l’ombilic chez le veau » - Dr BELANGER Anne-Marie - Bull. Soc. Vét. Prat. de France, avril/mai/juin 2008, T. 92, n 31 - https://svpf.fr/IMG/pdf/SVPF_T92_N2_PP31_34.pdf


- « Anomalies congénitales chez les bovins Etiologie et proposition de conduites à tenir » - Dr Olivier DUVAL-DESNOES - Thèse - 2005 – Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort - https://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=751


- « DIAGNOSTIC ET THÉRAPEUTIQUE DES COLIQUES CHEZ LE VEAU : ENQUÊTE AUPRÈS DES VÉTÉRINAIRES – Dr Marie GOMICHON - Thèse 2020 - Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort - https://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=3227


- « Le nombril – la porte sur la vie » - 3ième partie – 2017 - Service Sanitaire Veaux Suisses (SSV) - https://www.kgd-ssv.ch/fr/actualites/?oid=10114&lang=fr&news_eintragId=10177&utm_source=Newsletter&utm_medium=E-Mail&utm_campaign=Newsletter

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